Quelques aspects passés de la vie Trunoise

En 1918, pendant la guerre dite de 1914, le communiqué officiel était transmis à tous les bureaux de postes par télégrammes en Morse. Le texte était ensuite, par les soins des PTT, affiché sur les portes d'entrées des bureaux pour le public.

Début novembre 1918, on savait que la fin de la guerre était imminente, mais aucune précision ne venait le confirmer. Le 11 novembre, à l'affiche du communiqué, ce fut presque une révolution. Des gens courraient dans tous les sens pour annoncer la bonne nouvelle. La sirène de l'usine se mit aussi de la partie; certains coururent à l' église pour y sonner les cloches à toute volée; l'usine de chaussure arrêta de travailler et le personnel se trouva sur la place avec toute la population. Il y eut bien entendu des libations pour arroser ce jour et un défilé s'organisa. Tambours, clairons, drapeaux parcoururent les rues de Trun, suivis de la marmaille locale qui voyait dans ce défilé une sorte de fête dont elle n'avait plus le souvenir. Le soir les anciens s'attardèrent dans les cafés, les gosses étaient couchés partout. Les femmes comme d'habitude, retournèrent aux cuisines qui furent sans doute améliorées de réserves familiales selon les possibilités de chacun.

Le soir, une retraite, dite aux flambeaux, avec lampions et lanternes vénitiennes, fut organisée pour marquer ce grand jour. En ce temps là, les prisonniers allemands, qui travaillaient dans les fermes de Trun et des environs étaient cantonnés sous la garde de Territoriaux dans l'extrémité nord de l'usine désaffectée Lecointe. La retraite passa par le champ de foire et s'arrêta en marquant une allégresse vocale et vouant la famille Hohenzolern et l' Allemagne à tous les diables possibles et imaginables. Pus la dislocation eut lieu devant la mairie car la municipalité avait participé en corps à tout cela. Les cafés restèrent ouverts tard dans la nuit. Beaucoup de voisins des communes environnantes étaient descendus pour cette fête improvisée... C'était pour tous un si beau jour.

Un des dimanches suivant fut autorisé le premier bal public. Il eut lieu dans une grange au sol en terre battue qui, maintenant, est devenu l'actuel garage Renault, sur la route de Vimoutiers, ou avenue de la Cavée d'Auge. Des guirlandes de papier, des lanternes vénitiennes formaient le décor; l'orchestre était simplifié. C'est le père Morel qui, à la formation de la compagnie de pompiers, était caporal clairon et savait jouer du violon, qui fit danser une jeunesse impatiente d'amusements. Il s'était installé sur trois ou quatre barriques; son répertoire était fin du XIXe siècle et 1900/1910 et il y ajoutait les chansons patriotiques de guerre. Le tout incorporant, marches, mazurkas, scottishs, valses, lanciers, etc... qui étaient les danses de ce temps-là; mais l'important était la fin de la guerre, une sorte de libération, une joie qui animait la jeunesse.

En 1945, l'ambiance était toute autre. Tout le monde connaissait les nouvelles par la T.S.F. La capitulation allemande fut connue par tous en même temps. A Trun, il n'y eut pas de défilé comme en 1918, la ville était détruite à 80%. Tambours et clairons étaient disparus on ne sait où. Les pertes envies humaine étaient cependant moins importantes qu'à l'autre guerre. Les jeunes garçons n'étaient pas mobilisés ou étaient simplement en situation de l' être. La jeunesse aspirait à se détendre et à s'amuser. Garçons et filles se réunirent sous la halle du marché au beurre, seul bâtiment encore debout et encore couvert (ses éléments furent par la suite, réemployés pour faire le bâtiment des pompiers et la salle de jeux y attenant). L'électricité étant rétablie, tant bien que mal, Pick-up et tourne-disques permirent à la jeunesse de s'amuser, fêter cette victoire et s'en donner à coeur joie.

Charles Malsoute décembre 1981

       

Scènes de la vie trunoise au XIXème siècle

En ce temps là, les notables venaient "aux tripes " le dimanche matin , les femmes restaient pour la messe locale et la cuisine bien entendu. Les hommes se réunissaient à l'hôtel "Ste Barbe", devenu ensuite  "La Villageoise", chez Marthe, à l'ancien hôtel des Bourgeauville qui fur gendarmerie et hôtel- restaurant. Les tendances et les discussions politiques des notables n'allaient pas trop loin entre Légitimistes, Bonapartistes, Orléanistes et Républicains. La seule chose sur laquelle il n'y avait pas de désaccord, c'est qu'un gouvernement devait aider ou favoriser le commerce et l'agriculture; il n'y arien de changé aujourd'hui à ce sujet. Les descendants de la petite noblesse, autrefois protestante et plus ou moins bien reconvertie au catholicisme, se plaçaient entre toutes les tendances politiques et restaient un petit clan fermé.

Donc aux tripes, ces messieurs font un peu de politique, défendent leurs intérêts, c'est normal nous sommes en Normandie: "c'est mon dret et j'y t'nons" . Un peu à part, les bourgeois commercent, construisent, industrialisent, sont banquiers, prêtent de l'argent et ne s'engagent pas trop dans les discussions politiques... les affaires avant tout.

Pour les travailleurs et ouvriers de métier ou agricole, c'était différent; un monde nouveau est né au XIXème siècle... Chômage du textile anglais (Manchester 1815/ 1825- 1824 Une loi anglaise donne le droit de grève aux ouvriers. Les manufacturiers anglais baissent leurs prix, cela se répercute sur les tisserands français par le chômage... déjà!). En 1831, Mac Cormick crée une moissonneuse mécanique; pourtant après 1830 le travail aux moissons continue et modère le chômage des tisserands locaux. Beaucoup d'ouvriers vont à Paris. Ce chômage, les travaux de construction des chemins de fer et d'industrie ne le résorbe pas.

Alors des ouvriers aisés, sans terre cultivable, créèrent des cafés tenus par leurs femmes et cela boucle le budget d'une petite classe moyenne. A Trun, il y eut plus de trente cafés et également dans les communes environnantes. Pour ceux ayant plus de possibilités, l'épicerie. Pour les plus aisés, la construction à Trun et ses environs.

Pour mieux comprendre cela, il faut revoir les petits cafés de campagne: Louvières, St Gervais, Bière, Tournai, St Lambert, Bailleul, etc... La vente du pain créait une activité commerciale, elle disparaît aujourd'hui avec la fermeture de ces petites boulangeries de campagne établies après la chute des droits seigneuriaux sur les fours banaux lors de la Révolution.

Voilà pour l'aspect économique et la vie quotidienne. Tous les campagnards n'étaient pas des notables du dimanche matin. Ceux là se retrouvaient principalement les jours de marché, aux fêtes et aux foires, où il y avait de fortes libations... Les trente cinq cafés de Trun avant 1880 n'attendaient que les clients. Les cafetiers et les serveuses avaient leurs clients attitrés. Des lois limitèrent le nombre des cafés, et des arrêtés municipaux imposèrent un peu d'ordre dans ce désordre, surtout pour la sortie des cafés. Cette fermeture était annoncée par une retraite annoncée au tambour. Le tambour était connu sous le nom de Baril-Tambour, il y avait plusieurs familles Baril et ils étaient tous nantis d'un sobriquet. Donc Baril-tambour commençait à battre, en allant pas trop vite dans le haut de Trun; derrière la gendarmerie locale suivait en surveillant les opérations discrètement. Dans le centre dès qu'ils entendaient le tambour selon le vent, les buveurs payaient ou demandaient "le dernier sou". Quand la gendarmerie arrivait à hauteur du café, tout le monde devait sortir; cette gendarmerie était bonne fille, elle s'entendait bien avec tout le monde et, comme on dit ici "on est tous de revue". Les campagnards, suivant la saison chaude ou froide, avaient la possibilité de se réconforter dans les cafés de campagne avant de partir. La gendarmerie ne pouvait être partout à la fois, elle aurait eut trop de travail. Seuls deux cafés ne les voyaient pas à cette heure: "Le Dernier Sou" sur les routes de Vimoutiers et Magny. S'il pleuvait, on ne pouvait mettre le monde dehors, surtout s'il faisait un temps de chien.

Ceci était pour les jours de grande affluence, mais en temps normal certains habitués venaient à Trun le soir faire leur partie de manille ou de dominos, entre amis. La jument bien dressée, attendait attachée au trottoir dans les brancards: lorsque la partie était finie et bue la dernière goutte de l'amitié, on aidait M. X ou Y à monter dans sa carriole. Cela aurait été une véritable insulte que de dire qu'on l'avait chargé ou hissé en voiture... entre amis, on l'avait aidé, c'est la moindre des choses et la base même de l'amitié... bien entendu, à charge de réciprocité. Alors, la longe repliée, la chandelle allumée, Cocotte repartait en direction de son écurie. Les routes à cette heure étaient libres, la jument ne rencontrerait aucune voiture. Elle connaissait le chemin et les croisements. C'est maintenant pour beaucoup, le temps qu'on appelle "la belle époque" celle des souvenirs d'antan.

Charles Malsoute

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La Foire aux Oignons: ses origines lointaines.

La foire aux oignons doit être datée de l'époque dite des Etablissements de Rouen, vers 1160 - 1170.

En ce temps là, le roi anglais, duc de Normandie, Henri II créa des communes selon le statut dit des Etablissements de Rouen afin de pouvoir y mobiliser les milices communales de Rouen, Caen, Falaise, Pontaudemer, Nonancourt, Verneuil.
Trun qui était le siège d'une baronnie avec marché, donc avec bourgeois et marchands fut l'objet d'une donation à l' Abbaye aux Hommes de Caen vers la fin du XIème siècle par le Montgommery, donc avant les établissements de Rouen.

Les abbés de l' abbaye de Caen avaient le titre de barrons de Trun (Mazarin entre autre)
Le monde ecclésiastique de l'époque n'était pas partisan de ces libertés dites communales.
La création de l'hospice de Trun, au XII e siècle, fut une manière de donner, en se déchargeant de la charité chrétienne sur les bourgeois et marchands, par une sorte de semi-liberté communale.

Elle fut pourvue de fonds par la création de foires et marchés sur lesquels l' abbaye touchait les droits et coutumes féodales de ce temps.
Le but charitable évita les oppositions des autres bourgs des environs.

De ce fait, les Trunois d'alors avaient la confirmation de leur statut de Bourgeoisie.
Par la suite, les communes créées par les rois anglo-normands à Honfleur, Evreux, Bayeux, Domfront et Alençon firent dissoutes ou supprimées à la fin de la guerre de Cent Ans pour les raisons politiques de ce temps.

Les Argentanais avaient le statut de Bourgeoisie et leur hopital-hospice avait, sans doute, les mêmes droits et prérogatives que l' hospice de Trun.

Charles Malsoute septembre 1980

 

 

Souvenirs et remarques sur la vie trunoise

Au cours du XIXème siècle, la vie sociale dans les petits bourgs, paroisses ou chefs-lieux de canton s'était établie selon les possibilités locales; groupes musicaux, chorales paroissiales, orphéons, sociétés théâtrales, secours mutuels, sapeurs-pompiers, groupes horticoles et de jardinage, etc... qui donnaient à chaque bourg un particularisme considéré comme la co-propriété de l'ensemble des habitants de la cité. Cela s'était créé progressivement et différemment de côté et d'autre.

Les républicains, appelés quarante-huitards, rêvaient d'une république qu'ils imaginaient belle et bonne quand ils l'espéraient sous le second empire. L'après guerre de 1870 modifia ces espérances. Des sociétés de tir, de gymnastique, de sports virent le jour avec l'aide indirecte de l'armée. Cette façon de s'organiser et de vivre en commun se continua jusque dans la décennie qui suivit la guerre de 1914-1918.

Vers 1927, la fanfare participe à un concours de musique à Dreux. Des prix furent décernés aux Trunois et, dans le cadre des camaraderies inter sociétaires, le maire et la municipalité en exercice, ainsi que les pompiers en uniformes suivis de la population, décidèrent d'accueillir les musiciens à leur arrivée au petit train venant d'Argentan, ce que représente la photo prise à ce jour de cet évènement local.

Charles Malsoute janvier 1984

Description de Trun par le capitaine Lahure en 1837.

"Les paysans vont au marché de Trun avec de grandes blouses de toile bleue et des bonnets de coton. A cheval ils ont aux jambes en été des guêtres de toile qu'on appelle des triscouses et en hiver des guêtres de cuir qu'on appelle des housses. C'est à Trun que se tient le marché au fils, celui de la toile est à Vimoutiers. Trun 1574 habitants, 735 de sexe masculin, 839 féminin. Il y a 4 chirurgiens et médecins, 9 auberges, 6 boulangers, 12 bouchers, 6 tailleurs, 8 cordonniers, 6 selliers, 3 maréchaux ferrant, 120 chevaux, 110 vaches, 650 moutons. La superficie est de 865 Hectares dont 400 en céréales, 180 en prairies, 225 en jachères". Il y a à Trun, commissaire de police, gendarmerie à pied, justice de paix, recette de droits réunis(contributions indirectes), perception, bureau d'enregistrement. Mais le grand enthousiasme est pour la fabrique d'horlogerie. Elle était située cour Baril et, ressorts mis à part, tout était fabriqué sur place. La fabrique venait d'obtenir une médaille d'argent à l'Exposition pour sa montre à cylindre. "Voilà écrit le maire, qui va montrer au pays et à l'étranger ce que les Français peuvent faire quand la capacité se joint à la persévérance.

R.Bonnet de la Tour

Horloge MAILLARD

 

Particularismes de certaines constructions locales

Les invasions ont laissé des traces des excès et changements qui les ont suivies, en linguistique notamment. Prenons le mot "gentil", d'après la Bible (Vulgate) traduction de Lemaître de Sacy et du Talmud, le mot gentil désignait les païens ou étrangers au peuple ou à la religion juive. Les clercs d'abord sous le vocable de gentils désignèrent les Normands comme impies, voleurs, avec tous les défauts possibles et inimaginables, le terme en ayant acquis un sens péjoratif inspiré de la Bible. Par la suite, les Normands s'adaptent à la religion catholique, le mot changea progressivement de sens: Gentleman en anglais, Gentilhomme en français.

Dans la signification des noms germaniques, un manoir était l'habitation d'un homme libre, base de la noblesse normande et l' hoirie était la possibilité de transmettre à ses héritiers les droits de possession sur les maisons et sur les terres, privilèges qui dépendaient et relevaient de la suzeraineté ducale, carolingienne ou royale.

La noblesse se disant d'origine plus ancienne se fit, par la suite, remarquer par des particularismes plus ou moins oubliés: marches d'accès, frontons triangulaires au dessus de l'entrée principale. Ensuite pour échapper à l'impôt sur les portes et fenêtres on construisit des oeils de boeuf en pierre de taille pour donner du jour dans les escaliers et les mansardes. La bourgeoisie n'échappant pas aussi à ces servitudes, les plus anciennes familles bourgeoises par leur richesse, fonctions commerciales, judiciaires, administrative ou autres, bâtissait ses maisons avec pignons sur rues, ce qui les différenciait des maisons des artisans ou petits cultivateurs locaux, bâties, elles, parallèlement aux rues et venelles.

Les bombardements de la dernière guerre et l'urbanisme qui suivit ont fait démolir de nombreuses maisons restées debout jusqu'alors. Dans le bourg de Trun, il reste un corps de bâtiment ayant fronton et oeils de boeuf, rue de l' Eglise, un autre plus simple rue du Sap. Les maisons ayant pignon sur rue sont une demi-douzaine à avoir échappé aux destructions du centre ville. Bien entendu ces maisons anciennes ne sont pas décorées comme les flamandes de la grand'place de Bruxelles. La simplicité des maisons trunoises en marquant l'ancienneté.

Parmi les constructions locales, certaines doivent être étudiées en fonction de leur utilisation à la fois artisanale et familiale, notamment celles des tisserands qui étaient nombreux dans la région et qui alternaient le travail de la terre: moissons, rentrées des récoltes avec les époques où ils pouvaient exercer le métier de tisserands.

A quelques exceptions près, ces maisons étaient bâties selon les règles où l'utilité, et l'économie des matériaux était la base de la construction.

La pièce principale, essentielle, était l'atelier où étaient situés les métiers, généralement au nombre de quatre. Le sol était à environ 2 pieds (0,66 m) au-dessous du sol naturel. L'orientation du mur de la façade, où se trouvaient les portes d'accès, habitation et travail, était face au sud. Une petite trappe ou baie de 0,40 x 0,50 m aérait et ventilait de façon que les fils venant des filatures gardent la souplesse nécessaire au tissage. La hauteur sous plafond était de six pieds environ (2 m).

La partie habitation était soit à droite, soit à gauche de l'entrée de l' atelier: certaines étaient pourvues de petits escaliers pour utiliser au mieux les murs maçonnés et les différences de niveau au-dessus de la pièce aux métiers et l'utilisation des combles en chambre ou greniers. Cheminées et fenêtres étaient disposées selon les possibilité de l'ensemble de la construction.

Il reste encore quelques maisons de tisserands dans la vallée et les communes limitrophes: Coulonces, Aubry le Panthou...

Charles Malsoute, décembre 1984

Remarques sur l'inventaire des constructions et matériaux employés dans le canton de Trun

Le compagnonnage des bâtisseurs des temples romains comme païens s'est continué, adapté, perpétué, malgré les changements religieux, politiques et économiques, dans le premier millénaire et principalement après l'Edit de Tolérance de 313.

Une remarque, ou connaissance, des compagnies, transmise de bouche à oreille entre initiés, disait que les plus anciennes églises ou chapelles étaient celles qui avaient été couvertes par des toitures faites de tuiles romaines de réemploi. Cela put être réalisé pendant un certain temps, mais ces tuiles se faisant de plus en plus rares, les toits furent modifiés pour l'emploi de nouveaux matériaux: en premier lieu la paille qui permettait, avec une pente rapide, d'avoir l'étanchéité nécessaire.

On peut étudier, dater, partant de cet état des choses, les églises bâties comme de petites basiliques avec des piliers de réemploi ou qui furent modifiés à cet effet. Un croquis, avec les possibilités d'utilisation, permet de comprendre: le dessin, coté gauche représente la partie construite selon le plan typique des basiliques avec son toit à faible pente. Le coté droit du dessin évoque une couverture plus tardive utilisant paille, planches, bardeaux ou plaques de chêne qui donnent l'aspect, la pente et le pureau (recouvrement des tuiles) adaptés à la déclivité.

Actuellement, au XXe siècle, cette pratique de pose est toujours utilisée, comme dans l'antiquité: tuiles, ardoises, etc. Les tuiles et briques ont conservé les mêmes rapports et proportions dans leurs dimensions depuis deux millénaires au moins.

Une église du canton, Ommoy mérite une attention particulière à ce sujet. Des colonnes de réemploi sur des bases différentes: colonnes de 2 m et de 0,82 de diamètre; bases et chapiteaux soutiennent des murs pleins sans arc de décharge; des petites baies placées en hauteur donnaient, dans la version basilique, un peu de lumière et mettaient les fidèles à l'abri des vents, le verre étant très rare en ce temps.

Toute la partie centrale de l'église est inspirée des basiliques romaines. A l' Est, le choeur fut refait et modifié au XIe ou XIIe siècle. Le portail coté Ouest est, lui de pure tradition Romano-Normande. Une étude des maçonneries de reprise et transformations permettrait de mieux comprendre l'évolution architecturale de l' édifice. Par le carbone 14 il serait possible de dater l'ensemble car le plancher en haut de la nef doit être de l'époque de la construction initiale. Des photographies des détails permettraient de mieux les saisir et de les garder pour des bases de recherche.

Si l'on se réfère aux constructions du 1er millénaire, dans la période après l' Edit de Tolérance de 313, on trouve, de comparatifs sur les dates possibles des églises. De toutes façons, on est en droit de penser que les compagnons maçons, bâtisseurs avertis, préparaient les époques romane et gothique qui virent l'éclosion de nos magnifiques cathédrales. L'église d'Ommoy est badigeonnée de couches de chaux qui cachent peut être des fresques de l 'époque. Les bases des différentes colonnes, les chapiteaux dans leur simplicité architecturale, les petites baies dans le haut des murs latéraux sont un ensemble de détails où des spécialistes trouveraient matière à réflexions, à études sur le sujet.

En attendant, des photos de ces choses en garderaient la mémoire, avant qu'elles ne risquent de disparaître par transformations, modernisations ou destruction comme étant sans importance.

Charles Malsoute, avril 1984

Une construction dans le pays d' Auge au XIXe siècle

Construire en ce temps là, était une chose importante qui demandait réflexion vu l'état des chemins et les difficultés de transport. Cela commençait par une convention, selon le terme de la maçonnerie opérative. Le propriétaire, le maçon, le charpentier, etc... établissaient les plans et convenaient des matériaux nécessaires pour l'ensemble de l'oeuvre envisagée. Le charpentier et le propriétaire faisaient l'inventaire des arbres et bois à débiter en quantité et en qualité. Ces arbres étaient abattus dans les vieilles lunes, de novembre à mars au plus tard. L'ébranchement suivait, ensuite les billes étaient coupées aux longueurs voulues. Le transport étant, dans les collines du pays d'Auge, presque impossible, les billes étaient sciées en long, sur place aux dimensions prévues. Souvent le propriétaire, sa famille ou son personnel aidaient un scieur de métier, tout en continuant les travaux agricoles. Le solivage et les grosses pièces de charpente étaient traînés sur le sol gelé pour ne pas abîmer les prairies. Du chêne était débité à part pour les menuiseries et pour la confection des lattes pour plafonds et couvertures ainsi que l'orme pour l'escalier. Les solives et les chevrons étaient débités ensuite. De 50 à 60 % du bois était débité, les chutes servaient de protection, contre les intempéries, au bois d'oeuvre utilisable.

A part quelques noyaux de silex, dits "têtes de chats" qui étaient employés pour la maçonnerie, des "soles" de base et des fondations et la pierre manquant dans le pays d' Auge, les constructions se faisaient en briques.

Cette fabrication commençait au cours de la première année avec de la terre glaise prise sur la propriété. Les briques moulées sur place séchaient à l'abri des pluies. Lorsqu'il y en avait suffisamment, le tout était cuit par un briqueteur fournier en utilisant les branchages des arbres abattus. Les briques cuites étaient ensuite triées. Celles qui avaient des parties vernissées étaient utilisées pour faire des dessins décoratifs. Les bien cuites étaient réservées pour les seuils, les cheminées, les angles des portes et fenêtres. Toutes celles qui avaient un défaut de présentation étaient employée en fondation. Le tout-venant était employé entre et les moins cuites devenaient cloisons de 0,11 ou de 0,06.

Le fournier briqueteur était aussi le maçon; son échafaudage était fait par l'utilisation du solivage. Le sable était le plus souvent tiré de la propriété; la chaux, elle, venait de Bailleul où étaient les fours les plus proches.

Tous ces travaux étaient conduits de manière à ce que la couverture puisse être faite avant l'arrière saison et le mauvais temps, ce qui permettait aux ouvriers de continuer à travailler; pose des portes d'intérieur, pavage, enduits, plafonds. Le plancher du premier étage était de planches moulurées. Le plancher des combles était en terris sur bardeaux afin d'assurer la protection contre le froid. Le menuisier faisait un échange de bois sec, de ses réserves, contre du bois abattu de la propriété selon certains critères et la valeur et la quantité des bois chênes, sapins, ormes, étaient discutés.

Tous ces travaux datent de la fin du XVIII ou début XIXe siècle. Les constructions entièrement en colombage sont antérieures. Les couvertures de paille avaient une pente plus rapide et des bordures sur les pignons. Le chevronnage qui était compris avec tasseaux n'était ni cloué ni chevillé pour pouvoir être coupé facilement et faire la part du feu en cas d'incendie.

Les couvertures de tuile des constructions de ce temps là sont un indice de leur age.

De nombreux bâtiments sont couverts en ardoises, cela n'a pu être réalisé que lorsque les chemins de fer permirent la liaison d'Angers avec la région de Caen et Rouen pour le transport de ce matériau.

Cette manière de bâtir était, le plus souvent, le fait de petits propriétaires qui utilisaient au maximum les possibilités et les techniques de ce temps

Charles Malsoute, mars 1981