Les légendes gauloises de la région et l'histoire

La compréhension de l'histoire et des légendes est un ensemble de recherche, de patientes analyses. Quand elles sont en assez grand nombre et que l'étymologie des noms de lieux, où elles sont situées, les complète, les ignorer ou les nier parce qu'aucun texte ,ne les explique est contraire à toutes recherches historiques modernes.

La Fosse aux Pies:
Les Anciens des Ligneries, commune d' Ecorches, racontent qu'après une guerre, les Romains massacrèrent les Gaulois prisonniers en un lieu, où par la suite les femmes pieuse venaient prier. Le souvenir est resté intact dans la mémoire populaire. Une route, à proximité, porte le nom de côte de la bataille et Ecorches, le lieu, l'endroit, où les hommes furent "escorchés".

La Pierre aux Veuves:
A Fontaine-les-Bassets, le dolmen de la pierre levée, dite Pierre aux Veuves a la même signification dans la mémoire collective de faits transmis de bouche à oreille par les femmes veuves

Le mont Epinette à Montabard, est un mont barré par une levée, une fortification de terre. Des Anciens du pays m'ont dit qu'à la Croix Robert, une croix située dans les bois était placée sur l'emplacement d'un ancien cimetière dit des "pestiférés". C'était là, comme au champ de Bierre (camp de César) où l'on pouvait aller par un souterrain ? Laissons le souterrain de coté, on constate qu'un cimetière était à proximité de l'oppidum du Mont Epinette. Le catholicisme en y érigeant une croix a christianisé un lieu de culte local et ses souvenirs. A signaler un lieu-dit "Le Cercueil" sur l'ancien cadastre de la commune.

A Montreuil la Cambe, près d'un oppidum, un cimetière dit des "Huguenots" se trouve dans un bois près d'une levée de terre. Sur Coudehard, près de l'oppidum St Léger, un réage nommé le Bezion, un ruisseau voisin est dit "du Bezion".Le mot Bezion est à comparer avec le breton Breziad (enterrement, contenu d'une tombe), Bezian (enterrer, mettre au tombeau) et l'anglais Buri (enterrer).

A Trun, une rue porte le nom de rue Beguin (deuil en breton), Beguinan (mettre en deuil) Beguinerin (brassard de deuil). Cette rue Beguin est axée sur le menhir renversé sous l'angle sud du clocher de l'église. C'était la route ou la rue du deuil. Je n'ai recueilli aucune autre indication sur les oppida de la vallée Silly-Brieux (Mont Thulé). Légendes et étymologie des noms de lieux se complètent; Acorches, Escorchés de 1903, après la bataille. Le Bezion, le cimetière, les veuves de la Fosse aux Pies, celles de la Pierre des Veuves et de la rue Beguin. A Merri, le camp où César fit mourir, et à coté Bierre où l'on enterra les cadavres. A quelques lieues est situé le Camp de César sur la commune de Montmerrei ( le Mont de la Mort) à proximité du Cercueil. Tous ces noms sont des souvenances de faits ayant entraîné la mort pendant et après les combats: les populations locales en ont été profondément touchées et à cela on peut attribuer une persistance de noms de lieux celtiques et une romanisation plus tardive.

César dans ses commentaires sur la guerre des Gaules, nous dit ceci: "1ère année de la guerre, 58 avant J.C. - Les Helvètes au nombre de 368 000 individus, dont 92 000 en état de porter des armes, veulent venir s'installer en Gaule. César s'y oppose et livre bataille à Montmort. Le nom de Montmort est significatif 110 000 survivants y compris femmes et enfants furent renvoyés chez eux par César. Ce dernier, la même année, lutte contre les Germains sur le Rhin. Les légions prirent leur quartiers d'hiver chez les Equanes ( Franche-Comté).

Deuxième année de la guerre, 57 avant J.C. - La Haute Normandie, la Champagne et les Belges sont en lutte contre les Romains. 53 000 Attutarques sont vendus à l'encan en un seul lot; 60 000 Nerviens furent tués. Les Venètes, les Aulerques, les Unellis, les Escuviens (Exmes-Argentan)  se soumettent politiquement à César. Les légions prennent leurs quartiers d'hiver chez les Carnutes (Chartres) les Turons (Tours) et les Andes (Anjou).

Troisième année de de la guerre 56 avant J.C. -Le blé venant à manquer chez les Andes, Publius-Crassus, chef de sa 7eme Légion, envoie Terrassidus, tribun militaire, chez les Escuviens pour avoir du blé. Les Gaulois retinrent prisonniers les envoyés romains. c'est la révolte dite des Venètes, qui groupe toutes les tribus de l'Ouest et de l' Armorique. Vaincus les Gaulois virent leurs chefs mis à mort et le reste vendu à l'encan comme esclaves. Les Escuviens, qui avaient sans doute molesté Terrassidus, furent châtiés plus sévèrement. Les légions hivernent chez les Aulerques (Orne-Calvados), Unellis (Cotentin)... Chez tous les vaincus dont les Escuviens pour la première fois.

Quatrième année de la guerre 55 avant J.C. César lutte contre les Germains entre le Rhin et la Meuse. Première expédition en Grande Bretagne. Les légions hiverneront chez les Belges.

Cinquième année de guerre 54 avant J.C. Deuxième expédition en Grande Bretagne, lutte contre les Trévires (Rhénanie). Hivernage des légions chez les Nerviens (Belgique) et les Escuviens (Exmes Argentan) pour la deuxième fois.

Sixième année de la guerre 53 avant J.C. César est enguerre contre les Camutes, les Eburons (Belges), les Senons (Paris), les Trévires (Rhénanie). Les quartiers d'hiver sont pris chez les Senons (Champagne), les Trévires, les Longons et en île de France.

Septième année, 52 avant J.C. - Soulèvement général des Gaules. Alésia. L'armée de secours, pour délivrer Alésia comptait 240 000 hommes et 8000 cavaliers. Les tribus locales envoyèrent: Lexoviens 3000h, Aulerques (Evreux) 3000h et Bretons 2000h, les Veliocasses ( Vieux Calvados) 3000h, les Carnutes 12000h, les Pictons (Poitou), Turons (Tours), Parisii 8000h chacune. César n'a sans aucun doute oublié personne. Les chiffres viennent de documents saisis après la bataille, dans ce que l'on peut appeler l'intendance gauloise. La remarque que l'on peut faire est l'absence des Venètes et des Escuviens qui étaient dans l'impossibilité de lutter, car tous les hommes en état de porter des armes avaient été "escorchés" ou vendus comme esclaves.

Des tableaux du triomphe de César, proclamaient qu'il avait vaincu 3 millions de combattants, tué 1 million d'hommes et fait 1 million de prisonniers vendus en esclavage. Les pertes civiles dans la guerre et ses conséquences sont inconnues. Dans le massacre des habitants d'Orléans, 40 000 personnes furent tuées en un seul jour; la main droite coupée, les survivants sont renvoyés chez eux à titre d'exemple.

L'étymologie des tous ces noms de lieux et de légendes qui s'y rapportent sont le souvenir de faits presque totalement oubliés et inconnus de l'histoire écrite. Une étude critique plus approfondie et plus agréable, permettrait de retrouver et mieux comprendre cette époque lointaine dans le temps et l' espace.

Charles Malsoute février 1981

Légendes ou propagandes

Dans les temps anciens, la propagande a pris des formes adaptées aux moeurs, façons de vivre, religions, etc. Certaines populations et bourgs étaient gratifiés de "on-dit" sur ce qui les différenciait des autres et cela se traduisait par des rosseries ou légendes. Voyons "Trun en Trunois" et les "Juifs d'Ecouché" entre autres. Toutes ces histoires parlent des luttes entre protestants et catholiques. Par l'Edit de Nantes, la paix était revenue; le seigneur avait le pouvoir de nommer le curé, ce qui arriva à Fontaine les Bassets et à Joué du Plain dont les seigneurs étaient les vassaux de Montgomery. Les protestants de Trun, qui avaient comme seigneur l'Abbé commanditaire de l' Abbaye aux Hommes de Caen, trichaient un peu pour ne pas être trop mal avec la seigneurie. Ils prenaient un bout de messe avec les catholiques et allaient au prône à Fontaine les Bassets distant de 2 km. Cela se passait à peu près sans trop de heurts. Les catholiques brocardèrent les protestants de Trun en donnant une fameuse réputation de rouées aux Trunoises qui se moquaient de leurs vieux barbons de maris et les faisaient passer pour n'être pas très... très dégourdis. A Ecouché une rue où il y avait de nombreux protestants fut baptisée rue aux Oies. Les Argentanais disaient qu'il ne pouvait venir rien de bien de la direction d' Ecouché, que du vent ou de la tempête. Les protestants d'Ecouché allèrent au temple de Joué du Plain tant que dura l'Edit de Nantes. Sa révocation entraîna bien des changements. Beaucoup de protestants de Trun et d'Ecouché, partant du principe que Paris avait "bien valu une messe" pensèrent qu'une conversion plus ou moins sincère éviterait bien des ennuis. Savoir plier pour ne pas rompre était nécessité. Les biens du temple de Joué du Plain furent attribués à l'hospice St Mathurin d'Ecouché. Les biens du temple de Fontaine les Bassets furent revendiqués par l'hôpital d'Argentan et la Maison-Dieu de Trun, ce qui donna lieu à procès entre les deux hospices. Comme dans "l'huître et les plaideurs" lorsque les frais de procédure furent payés et les avocats honorés, il ne resta sans doute que quelques miettes pour les pauvres d' Argentan et de Trun.

Les convertis d'Ecouché, qui aux yeux de certains n'étaient pas trop catholiques, décidèrent de faire un geste et d'offrir un Christ peint à leur église. Cela eut lieu sans doute, mais de mauvaises langues prétendirent que, à la question "Voulez-vous le Christ couleur cadavérique ou vivante ?" ils répondirent "Faites-le vivant, s'il nous gêne, nous l'tuerons bien". Vraie ou fausse, l'histoire fut colportée et est restée dans une mémoire collective dont le but était de se moquer des convertis d'Ecouché.

Si l'on peut regarder, maintenant, avec un peu de bonne humeur, certaines de ces histoires, il n'en fut pas toujours pareil. A Crocy, qui est à la limite de l'Orne et du Calvados, mais qui en ce temps là faisait partie, comme Falaise, de l'évêché de Sées, les choses se passèrent d'une manière très différente. Pour les protestants Calvinistes du bourg, les enfants furent enlevés à leurs familles, les filles envoyées aux écoles catholiques d'Alençon et les garçons à la Maison-Dieu de Trun. Les morts étaient enterrés dans leur propres jardins. Les dragons et la maréchaussée chassaient les Calvinistes.

Certains promirent de se convertir pour retrouver leurs enfants. Les durs, les intransigeants qui refusèrent de se soumettre furent expédiés sur la Côte d'Azur pour lutter contre les infidèles barbaresques en ramant sur les galères du roi qui, alors, avaient leur port d'attache en sa bonne ville de Toulon.

Charles Malsoute, mai 1981