1944

Le Débarquement

Pendant tout le mois de mai, dès la nuit venue, on entendait passer à Trun, dans le ciel, des escadres d'avions qui allaient attaquer les centres vitaux de l'intérieur, mais nul ne s'attendait à voir la Normandie devenir le théâtre principal des opérations.

Musée de la guerre Canadien

La nuit du 5 au 6 juin, avec ses passages d'avions incessants faisait prévoir quelque chose et le 5 juin à midi, on sut que la gare d'Argentan avait été sérieusement bombardée, la ville elle-même devait être durement touchée dans la nuit du 6 au 7. La B.B.C. annonçait le débarquement allié sur les cotes de la Manche sans préciser l'endroit. Puis les bonnes nouvelles se succédèrent, les Anglais étaient à Bayeux, aux portes de Caen, d'aucuns en avaient vu à Potigny! Les territoriaux allemands se repliaient en toute hâte: on attendait les Anglais d'un jour à l'autre.

Hélas Trun vit passer les troupes allemandes "qui allaient rejeter les Anglais à la mer". Elles n'y parvinrent pas, mais il était évident que la résistance allemande se durcissait et s'étoffait chaque jour.

Ce que l'on vit arriver à Trun après le 10 juin ce furent des réfugiés des abords de Caen qui furent d'abord hébergés chez le maire et les habitants; mais à partir du 12 juin, ce fut un flot ininterrompu de pauvres gens démunis de tout, fuyant devant les obus, ou évacués de force par les Allemands. Le maire de Trun organisa un centre d'accueil à la maison de la Sainte Famille, les blessés et malades furent soignés à l'hospice, la Croix Rouge envoya une équipe d'internes de Paris aidés par des infirmières bénévoles. On ne saurait trop dire la générosité de l'accueil malgré la pénurie du pain, de vivres, de denrées. Plus de 40 000 réfugiés passèrent par le centre d'accueil. Regroupés, réconfortés, ils étaient ensuite dirigés vers la Mayenne par des itinéraires fixés par les autorités allemandes.

Le 14 juin, Vimoutiers était en partie anéanti par les bombes. Des tracts avaient été, parait il, lancés quelques jours avant, par les Alliés invitant les populations à s'éloigner des centres, il ne parait pas que Trun en ait reçu, mais le sort de Vimoutiers était à craindre, aussi beaucoup de familles de Trun abandonnèrent leur domicile pour aller s'installer dans les villages voisins.

L'aviation alliée tenait le ciel en permanence et répandait la terreur chez les Allemands; aucun mouvement de jour n'était possible, même à des isolés.

Malheureusement les aviateurs ne pouvaient faire la distinction entre amis et ennemis, et mitraillaient tout ce qui se risquait sur les routes. C'est ainsi que le 12 juin, le Docteur Fouassier fut tué à Neauphe en allant visiter un malade, que Monsieur Longuet des Diguers, conseiller général, fut tué en transportant des réfugiés. Aussi faut il admirer cet inconnu qui avec sa camionnette allait au devant des réfugiés, les amenait au centre d'accueil et repartait faire un nouveau chargement, plusieurs fois mitraillé sur la route.

Dans ces conditions, la vie devenait difficile: il n'était plus question de marché, ni même de commerce et le ravitaillement en pain comportait un véritable danger.

Le mois de juillet s'écoula relativement calme à Trun, avec toutefois un avertissement:le 15 juillet un avion lâcha ses bombes sur le carrefour des routes de Falaise-Livarot, la maison Darey fut touchée.

A la fin du mois, les renseignements sur les opérations étaient contradictoires:  les Américains avaient progressé dans le Cotentin, mais les Anglais étaient tenus en échec dans el Calvados. Les Allemands annonçaient l'apparition d'une arme secrète tenue en réserve par Hitler. C'était un avion sans pilote, tiré a des centaines d'exemplaires qui devait anéantir l'Angleterre, ce furent les V.1 ont l'un, dévié de sa route vint s'écraser aux abords de Trun.

Au début d'août, on vit passer des colonnes de chars et de S.S. se dirigeant non pas vers le Nord mais vers l'Ouest. On a su depuis que les Américains ayant percé le front à Avranches, Hitler avait ordonné une formidable contre-attaque; ce fut la bataille de Mortain où les Allemands laissèrent leurs meilleures troupes et la moitié de leurs blindés. Alors les évènements s'accélèrent. La retraite suivie de la débâcle allemande commençait.

R.Bonnet de la Tour

 

Trun dans la bataille

Alors que tout autour les bombardiers alliés  écrasaient sous leurs bombes: villes, bourgs, gares, bifurcations, ponts et carrefours, Trun semblait devoir échapper au désastre. Cependant la bataille se rapprochait venant du Nord où le roulement de la canonnade était continu et au Sud on disait que les Américains étaient au Mans.

Le 12 août, vers midi, un premier bombardement par avions prit comme objectif le carrefour central, touchant surtout les maisons de la rue Beghin. Dans la nuit du 12 au 13 on vit passer à Trun les colonnes de véhicules de toute nature filant à toute allure et en désordre vers l' Est: cette bonne nouvelle fut suivie d'une autre: les Américains étaient à Argentan: la libération était proche.

Le dimanche 13 août, les offices eurent lieu comme d'habitude et la journée ne fut troublée que par le "tac tac" des mitrailleuses des avions à double queue et les bombes des Typhoons qui tapent dans le tas des colonnes en retraite, quand vers 23 heures, les obus s'abattent sur le bourg.

Les Américains n'étaient pas à Argentan, ils avaient établi leurs batteries lourdes vers Mauvaisville et ce sont ces pièces qui pendant quatre jours vont prendre Trun sous leur feu. Les objectifs sont toutes les issues de Trun et les carrefours.

Le 14 août, les obus frappent le centre de la Sainte Famille et le carrefour central, puis l'hospice et ses abords, enfin les environs de l' église. Il y a des morts et de nombreux blessés: une vieille aveugle accompagnée par une Soeur garde-malade est tuée, des gens travaillant dans leur jardin sont blessés. Cette fois les habitants abandonnent leurs maisons et Trun n'est plus animé que par les colonnes en retraite, aussi rapides que possible, a tel point que deux chars Tigre qui veulent passer en même temps les ponts Chalots démolissent le parapet et font céder la voûte.

Le 15 août, l'artillerie américaine continue le pilonnage renforcée par l'aviation. Vers 15 heures, des avions lâchent leurs bombes en plein centre: sale des fêtes, mairie, postes, pharmacie sont durement touchés. Le bourg devient un enfer car les obus ont allumé des incendies et un vent malencontreux les propage.

Le refuge le plus sur est la pleine campagne avec quelques tranchées pour s'abriter en cas de bombardement. Tout l'hospice se transporte au champ de courses: 50 vieillards, 30 blessés et des réfugiés malades. On installe les blessés sur des matelas dans les box, les vieillards dans les tribunes, les soeurs de l'hospice, deux internes de Paris et 3 infirmières assistent les blessés; c'est sous les obus que s'est fait le déménagement. L'hospice restera près de deux semaines au champ de courses où il aura un tué et deux blessés.

Le personnel de la Sainte Famille et les réfugiés sont hébergés par le maire, dont l'habitation et ses dépendances sont un peu hors du bourg.

Dans le bourg, incendies partout avec peu de moyens pour les combattre. MM Perrière, Poyeton, Quinery, Collet s'efforcent dans la Grande Rue de préserver leurs immeubles. Le curé-doyen Germain Beaupré va sans cesse de son presbytère à l'église et visiter les malheureux.

La journée du 16 août est analogue aux précédentes: obus, bombes et incendies. Sur les routes aux abords, ce sont les camions allemands qui brûlent et des munitions qui sautent. Les Allemands font sauter le dépôt de l'école des filles, route de Vimoutiers. L'explosion démolit l'immeuble.

R.Bonnet de la Tour

 

Place du marché, ce qui reste des maisons Laplanche, Fortin, Sénaque, Potel, Levavasseur, Roger, Lair et Marie

 

La rue de Chambois:
à gauche ruines Joncquet, Leloup, Tafforeau etc,
à droite P.T.T. Jeanne, Doffagne

 

Route d' Argentan à Vimoutiers prise à hauteur de la maison Lefresche

 

Vue prise de chez Sorel,
au 1er plan à gauche ruines Chardonnet,
plan supérieur maisons Doffagne, Jeanne et P.T.T

 

Rue de Chambois prise de la mairie:
à gauche café Guimard
à droite Chardonnet, Coudrais, Lafosse et Lebel

 

Place de la République en direction de Chambois

 

La rue de Chambois:
à gauche ruines Joncquet, Leloup Tafforeau
à droite P.T.T, Jeanne, Doffagne

 

La salle des fêtes et l'usine Poyeton, vue prise du pont à bascule

 

La place de la République, vue prise à hauteur de la mairie

 

Place du marché, ce qui reste des maisons Boucher, Dr Henri et Chouteau (au fond charcuterie Huet)

 

La rue de Vimoutiers coté gauche
Depuis la mairie jusqu'à chez Lemeur, à droite le café Guimard et le Crédit Lyonnais

 

La poste et la salle des fêtes vue prise de la maison Houssemaine

 

Le carrefour de la mairie pris de la route de Chambois
Au fond à gauche l'hôtel la Villageoise

 

Trunois

 

 

Résumé officiel des destruction:

Maison d'habitation

totalement détruites

135

 

endommagées de 30 à70 %

80

Immeubles agricoles

détruits

6

 

endommagés

40

Immeubles commerciaux

détruits

3

 

endommagés

10

Services publics

détruits

8

 

endommagés

10

 

450 immeubles touchés par les bombes et les obus

 

 

22 août 1944 - 
Allemands et leur véhicule "Kuebel "capturés par les troupes Britanniques aidés de Français en arme devant l'hospice

Août 1944 - Petite fille réfugiée à Trun

La Libération

Le 1- août, les Anglais ont conquis Falaise, malgré la résistance acharnée des Allemands. La ville est à peine enlevée que le Général Montgommery veut enfermer les armées allemandes dans la poche où elles se trouvent et "tirer la ficelle de la nasse sur la Dives".
A cet effet, deux divisions blindées de son armée passeront sur la rive droite de la Dives et pousseront droit sur Trun-Chambois, tandis que les Américains qui sont depuis quatre jours devant le Bourg St Léonard enlèveront le village et descendront sur Chambois. Le général Montgommery est très pressé car son aviation lui signale que les Allemands s'échappent par toutes les routes en colonnes doubles.

La 1ère Division polonaise, général Maczek, passe la Dives à Jort dans la soirée du 16 et dans la nuit du 16 au 17, la 4e Division blindée canadienne franchira la rivière le 17 au matin à Morteaux. Elle doit être suivie par la 3e Division d'Infanterie écossaise.

Du coté allemand, le fond de la nasse est encore sur l'Orne à Putanges et les deux flancs de la poche menacés au Nord par les Anglais, au Sud par les Américains. Or le flanc Nord vient de s'effondrer par la prise de Falaise. Il n'est sorti que des débris de "l'enfer de Falaise" lesquels tiendront encore les Anglais en respect en reculant à pied le long de la route Falaise-Argentan. Sur la rive droite de la Dives, pour défendre les ponts de Trun, il n'y a presque plus personne: quelques groupes formés autour de 4 ou 5 chars, 2 ou 3 pièces antichar et une cinquantaine de S.S.

Les deux divisions blindées progressent donc assez vite: cependant les Polonais doivent réduire une résistance à la Cote 159 près de Moutiers en Auge et atteindront en fin de journée la Cambe et Montreuil. Le 17 au soir les premiers chars canadiens sont à Louvières.

Le mouvement des blindés dut s'arrêter pour leur ravitaillement: or, celui-ci était difficile en raison des ponts sautés, des routes minées et aussi de l'incertitude de la situation.

Cependant le 17 au soir, un groupe de Polonais partant de la Cambe atteignit la grande route Trun-Vimoutiers vers la propriété de Monsieur Hurel et quelques chars avancèrent au delà vers les Champeaux.

Le 18 août, la matinée se passa à remettre de l'ordre dans les unités polonaises et canadiennes assez mélangées et à reconnaître une résistance allemande installée à la Cote 118 au Nord de Trun. Elle fut attaquée par les Polonais qui détruisirent 3 chars et en perdirent un. Après ce nettoyage, il ne restait plus d'Allemands pour interdire l'entrée de Trun. Pendant ce temps la 9e Brigade canadienne prenait Crocy et la 10e Brigade (Général Jefferson) s'avançait derrière les chars.

C'est donc le 18 août, vers 14 heures, que les Alliés pénétrèrent dans Trun. Les Polonais par le Nord venant du Mesnil-Girard et de la Cote 118 par le champ de courses et le porche Leroy. Les chars canadiens par l' Ouest venant de Louvières et de Fontaine accompagnés de leur propre infanterie qui se faufile le long des routes et dans les champs. Pénétration assez prudente par crainte d'embuscade ennemie: Quelques habitants accourent et les rassurent: il n'y a aucun soldat allemand dans Trun.

Quels étaient ces libérateurs dont beaucoup parlaient le français ? C'est assez difficile à préciser. Les Polonais étaient vraisemblablement les blindés du 24e qui avaient gardé leur ancienne appellation: lanciers et uhlans avec des motos du 10e Bataillon. Les Canadiens étaient du 22e Régiment blindé appelé Canadian-Grenadier Guards, avec les motos du Lake Supérior, enfin les fantassins faisaient organiquement partie de la 4e Division blindée et formaient le Lincoln and Wellard Regiment.

L'occupation de Trun le 18 par les Alliés se borna à boucler toutes les issues du bourg, à barrer toutes les routes et à occuper la Dives des Ponts Chalots au Moulin de Drieu.

La première préoccupation des Alliés et des habitants fut de faire cesser le tir de ces batteries américaines qui continuait. Le résultat fut obtenu en fin d'après-midi. Puis d'installer un poste de secours à la Chapelle de l' hospice, et enfin de rassembler des prisonniers déjà nombreux: on les parqua au champ de foire.

Ceci fait, on attendit que les gros eussent serré et que l'infanterie de la 3e Division écossaise ait occupé le cours de la Dives, gardant le flanc droit contre toute contre attaque allemande. Préoccupation légitime car il y avait de nombreuses troupes allemandes vers Montabard, Bailleul, Gueprey et un fort centre de résistance entre Gueprey et la Poterie à la Cote 134.

Le lendemain 19 août, les Ecossais arrivaient, garnissaient les bords de la Dives et firent, par mesure de précaution, sauter ce qui restait des Ponts Chalots.

Les habitants de Trun ayant signalé la présence de nombreux Allemands à Magny, les Canadiens partant du Moulin de Drieu et guidés par deux habitants capturèrent des officiers et de nombreux hommes de troupe. C'était le colonel Gerlach, commandant la 708e Division et son état-major.

Tandis que les Polonais partant de la région d' Ecorches occupaient en fin de journée les hauteurs de Boisjos, Montormel et faisaient leur jonction à Chambois à 18 heures avec les Américains, les Canadiens avaient reçu l'ordre de s'emparer de Saint Lambert.

Le village fut pris, mais repris par les Allemands et en fin de journée les Canadiens étaient installés face au Sud le long de la route Trun-Chambois jusqu'au hameau de Quantité, toute l'artillerie du 15e Régiment en action au Nord de la route.

Donc le 19 août au soir la ficelle de la nasse était tirée sur la Dives. Mais il restait de nombreuses troupes allemandes sur la rive gauche et le 20 août, des combats furieux s'engageront sur la Dives et sur la colline de Montormel entre les troupes allemandes qui voulaient s'échapper et forcer le barrage des Alliés. Le Lincoln and Welland et une compagnie de mitrailleuses du New-Brunsweek Rangers repoussa une tentative de percée par le pont sur la Dives de la route d' Argentan.

Les combats n'étaient donc pas loin de Trun et c'est seulement le 21 août dans l'après-midi après la capitulation à Tournay qu'ils cesseront. Magny et Saint Lambert tomberont également le 21 août.

Pendant ces journées du 19 au 22 août, les prisonniers étaient rassemblés à Trun d'où ils étaient évacués: il en passa 20 000.

Les Anglais avaient commencé à rétablir les communications et des camions de vivre purent arriver à Trun tandis que les bulldozers déblayaient les rues.

Trun étant à peine libéré que les habitants réfugiés aux environs accouraient pour voir où en était leur demeure. Bien peu les trouvèrent intactes; heureux ceux qui pouvaient les réintégrer en se contentant des pièces encore habitables; mais pour certains il ne restait que des ruines.

On para au plus urgent avec des baraques en bois provisoires, dont certaines devaient durer 15 ans.

Le champ de foire devint un véritable village; on y trouvait la mairie, la poste, les bureaux de la reconstruction et des ménages. Un autre groupe de baraques fut édifié sur la place centrale et peu à peu la vie reprit en attendant la reconstruction.

Les maisons les moins abîmées purent être réparées; il restait à reconstruire tout ce qui avait été anéanti.

L'Etat qui finançait, imposa aux communes sinistrées un plan d'urbanisme. Il en résultat quelques frictions entre les municipalités et les services de reconstruction.

Commencée vers 1948, la reconstruction de Trun était achevée en 1955. Elle fut accompagnée d'une réfection de la voirie, du système d'adduction des eaux, et surtout d'un remodelage du centre du bourg.

R.Bonnet de la Tour

 

22 août 1944
 Allemands et leur véhicule "Kuebelwagen " capturés par les troupes Britanniques  dans une rue à Trun.

 

Dépôt de Mr Morat

Dépôt de Mr Morat

St Lambert

Reconstruction...

Cinéma des armées:

Trun

Falaise Falaise2

Argentan

90th DVI

    

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Mémorial des victimes civiles de 1944
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